Suite sur les localités.

La malignité se plaît à attribuer aux paisibles habitants de Ruaux plusieurs actes de simplicité tel que celui d'aoir fait monter une vache, à l'aide cordes, sur le clocher, pour lui faire paître l'herbe qui y croissait, trait de vandalisme qui aurait ainsi dépouillé ce monument de sa parure d'antiquité.

Les gens de Saint-Amé racontent volontiers pourquoi on les appelle des "potarcalas".

Au temps jadis, vivaient à Saint-Amé deux bonnes gens, mari et femme. Ils n'étaient point riches, buvaient moins de vin que d'eau claire, et ne se nourrissaient guère que de bouillie de millet. Cela ne les empêchait point d'être gourmands l'un et l'autre et de se disputer souvent à propos du gratin, des grillottes du fond des marmites, c'est-à-dire sur la question de savoir qui raclerait le pot. La femme parla un jour de s'en reporter au protecteur de la paroisse, le bienheureux Saint Amé.

- "Va-t'en le trouver tout de suite" cria l'homme impatienté.

La femme ne se le fit pas répéter. Le temps de mettre un caraco et une coiffe blanche et la voilà à courir à l'église.

Dés qu'elle fut agenouillée :

- "Grand Saint-Amé, dit-elle, je viens vous prier pour savoir lequel de mon homme ou de moi doit râcler le pot." (le pot dat relâca).

- "C'est l'homme "! répondit une voix fluette, qui semblait venir de derrière l'autel.

La femme, croyant entendre un enfant, sans doute l'Enfant-Jésus, répliqua vivement :

- "Taisez-vous petiot, laissez parler les grands".

Et elle renouvela sa question :

- "C'est l'homme, répondit la même voix, mais plus nette, plus assurée".

Alors la femme se fâcha.

- "Eh bien, puisque c'est l'homme, je ferai la bouillie si claire, si clairette, qu'il n'y aura rien à racler"...

Et elle s'en alla furieuse, en "rezâppant" la porte de l'église, pendant que son mari, pris de fou-rire, était sur le point d'étouffer, dans la cachette où il s'était blotti, aux pieds de Saint-Amé.

A suivre.