Voici que reviennent déjà les élections. Je crois bien que ce ne sera jamais fini ! Quand bien même que le diable s'en mèlerait : ce ne serait pas pire, aussitôt fini il faut recommencer ! Il est vrai que celles-ci ne sont pas bien conséquentes : il ne s'agit pas de nommer des députés ou bien des sénateurs, mais seulement des conseillers de Commune.

Pour nous autres, gens de la campagne, notre intérêt, c'est d'avoir des bonnes gens. Qu'elles soient un peu plus ou un peu moins instruites, ça n'y fait pas grand chose, pourvu que l'on puisse leurs parler facilement,leurs expliquer nos petites affaires, tout simplement, comme je vous parle maintenant.

Voyez-vous, ceux qui font de la politique, je n'y ai pas confiance. Quand on s'occupe de cela, on ne peut pas s'occuper des affaires de la Commune, ce n'est pas possible de mener deux charrues à la fois.

Tout compte fait, qu'est ce que nous avons de mieux à faire ? C'est de voter pour ceux que nous connaissons, je veux dire les gens du pays, sans aller chercher des Ruppéens, des Corravillers, des St Bressons, des Plombinois, qui n'ont pas réussi à se faire élire chez eux !

Par ici, ce sera bien facile. Nous avons assez de laboureurs pour faire de bons administrateurs, sans prendre des étrangers, qui n'ont pour eux, que d'être un peu plus brouillons que les autres !

Mâs pour le plain, ce n'est pas pareil : c'est le plain qui nous donne un maire, et puis des adjoints, de telle manière, que ce sont les élections du plain qui ont le plus d'importance.

A propos de cela, je crois que le dernier maire avait bien raison de prendre un adjoint dans les sections. On ne doit pas, comme faisait le maire précédent, déshériter les campagnes, au profit du village, d'autant plus que les beaux messieurs là, nous les craignons quelque peu, lorsqu'il faut nous expliquer devant eux, dans notre grossier patois !

Pour le plain, on m'a déjà montré une liste qui ressemble tout plein à des litanies, tant que le même nom y est répété de fois. Je ne dis pas non, mais il ne les faut pas tous de la même façon, ils ont beau être bons ! Tenez, sans comparaison, c'est comme des pommes de terre, la pomme de terre, c'est un bon légume, il en faut manger une fois, mais pas trop ! Si vous êtes fatigués, et que vous avez une faim de chasseur, qu'est ce que vous diriez en rentrant chez vous, si votre femme vous apportait pour votre dîner :

la soupe de pommes de terre,

des pommes de terre rondes,

de la purée de pommes de terre,

des pommes de terre à la sauce blanche,

des pommes de terre à la sauce brune,

des pommes de terres farcies,

des pommes de terre frites,

de la salade de pommes de terre,

et pour dessert, des beignets de pommes de terre...

Vous penseriez que l'on se moque de vous, et vous n'auriez pas tort ! Ici, c'est un peu la même chose, et pour mon compte, dans le dîner là, qu'on appelle les élections, je ne garde qu'un plat de pommes de terre, pour remplacer les autres pois du fricot, à mon idée.

En plus de cela, ce sont presque tous ceux là qui démissionnèrent, sans qu'on n'aie jamais su pourquoi. Si nous les nommons, un de ces jours-ci : parce que vous aurez une crête à votre bonnet, ou bien parce que la chèvre de votre voisin aura fait des cabris, les voilà qui vont jeter leur démission à votre figure, et puis brouff, la Commune est dans le pétrin.

La première fois qu'ils firent le tour là, il se trouva in homme de bonne volonté, pour reprendre, mais s'en retrouvera t'il encore un autre ?

Dans les noms ci, je vois encore celui de l'ancien maire : pourquoi voudrait-il rentrer à la mairie ? Ce serait pour rire ! Personne ne l'avait chassé, il s'en était allé de lui même ! Pourquoi nous le garderions aujourd'hui ? Est ce qu'il voudrait faire encore la comédie ?

Du temps que j'y pense, je me souviens qu'aux dernières élections, le Petit Journal de Remiremont disait grand bien des administrations. J'ai envie de vous en parler aussi, mais ce sera pour une autre fois ! (Source Eveil à l'histoire du Val d'Ajol, revu par les Patoisants des Trois Rivières)