L'armistice demeure toujours un grand moment du souvenir. Il y a 100 ans, en avril 1915, la croix de guerre voyait le jour. Elle devenait un signe distinctif clair et visible, qui permettait au chef de décorer les plus vaillants de ses soldats sur les lieux même des combats.

Aujourd'hui, 97 ans après la signature de l'armistice, la place est aux souvenirs.

Au village, pour entretenir ces souvenirs, chaque année, depuis 2008, l'histoire d'un soldat mort pour la France est mise en valeur.

Cette année,devant plus de 50 personnes, Jean Marie Manens maire, les élus municipaux, les frères Vinel à la musique,

les portes drapeaux et les corps constitués , Pierre Vincent, élu municipal, a choisi d'évoquer les moments très particuliers vécus par Paul Babel, lors de la 1ère guerre mondiale.

Le 3 août 1914, la France entre en guerre, Paul Babel, âgé de 20 ans, sera mobilisé le 21 août 2014. Après une instruction militaire, il sera incorporé en tant qu'agent de liaison à la 10ème compagnie du 152 ème régiment d'Infanterie stationné à Gérardmer (le 15-2). Il part vers les crêtes vosgiennes le 7 janvier 1915 où il se trouve confronté aux tranchées à la reconquête de l’Alsace. En mars 1915, durant 5 jours, il participe à la bataille de l'Hartmannswillerkopf (Le Vieil Armand). A travers le fouillis de barbelés, de tranchées effondrées, l'enchevêtrement de sapins abattus, Paul et son Régiment reprennent le sommet au prix de 240 tués ou blessés.

Blessé en avril 1915, il repart sur le front alsacien en août 1915. En septembre, Paul et ses camarades ont froid, ils dorment à peine, la vermine les dévore et tous les jours ils voient tomber leurs camarades. Le 21 décembre le 15-2 s'élance de nouveau à la reconquête du "Vieil Armand". Suite à un assaut déployé avec une incroyable furie, les morts du 25 avril vont être vengés. Objectif atteint le 21 décembre au soir au prix de 422 victimes.

En 1916 l'Alsace devient un secteur plus calme, mais un autre front s'est allumé, à Verdun.

En juillet 1916 Paul quitte l'Alsace pour le front de Somme.

Du 26 août au 31 octobre 1916, ce sera une guerre de tranchées dans lesquelles les poilus du régiment sont enterrés dans des trous remplis d'eau, la boue les recouvre de la tête aux pieds, se mêle aux aliments, encrasse les armes : ces hommes n'ont plus de figure humaine...

Paul fera l'objet d'une 1ère citation en septembre 1916 : à l'ordre de la brigade N° 55 : agent de liaison dévoué et courageux, a rempli sa mission dans des circonstances difficiles. Belle conduite à l'attaque du 3 septembre 1916.

(Cléry, Sailly, tranchées des Portes de fer, Bois du Mouchoir, tous ces lieux qui sont synonymes de mort, d'horreur, de peur seront la tombe de plus de 2000 morts pour le 15-2.

2ème citation le 15 novembre 1916 à l’ordre du régiment N° 121 : agent de liaison dévoué et courageux, s’est dépensé sans compter et avec un mépris absolu du danger pour mener à bien sous des tirs de barrage violents la transmission des ordres qui lui étaient confiés.

Après 3 jours de voyage le régiment allait se reformer à Corcieux Décembre 1916 retour sur le front alsacien, coups de main, maintien de positions,Réveillon de Noël 1916 au vin chaud et aux biscuits sous les bombardements, le froid, la boue, et la mort toujours présente.

3ème citation : Le 9 mars 1917, à l’ordre du régiment N°40 : le soldat Babel 10ème Cie, agent de liaison brave et dévoué, toujours prêt pour les missions périlleuses, volontaire pour le coup de main du 6 mars 1917 a montré beaucoup de sang froid.

2 avril 1917 embarquement pour Le Chemin des Dames, théâtre de combats terribles et meurtriers.

4ème citation : le 2 juin 1917, à l’ordre du régiment N° 92

Après les prises du plateau des Casemates, la ferme de Hurtebise et le plateau de Vauclerc, le 15-2 se retrouve face à une “ creute“, ancienne carrière d’extraction de pierre, dans la région de Soissons. Lorsque les soldats allemands occupent la caverne fin janvier 1915, ils prennent l’avantage. Cette caverne de plus de 200 m de longueur, de 15 m de hauteur et sa largeur qui dépasse parfois les 80 m, est un emplacement stratégique elle sera appelée La Caverne du Dragon. Protégés du froid malgré une forte humidité, les allemands transforment la caverne en une véritable caserne avec postes de tirs, réseau d’électricité, dortoirs, une chapelle, un puits, une infirmerie et même un cimetière.

Le 25 juin 1917, c’est grâce aux initiatives heureuses de modestes exécutants dont Paul Babel faisait partie que l’attaque réussira et que la capture de la garnison allemande sera réalisée en faisant plus de 350 prisonniers.

Ce fait d’arme fera la une de la presse pendant plusieurs semaines.

5ème citation : le 3 juillet 1917, à l’ordre de la 164ème division d’infanterie N° 63 : agent de liaison d’un courage et d’un mépris du danger au dessus de tout éloge. Déjà 4 fois cité, s’est à nouveau distingué dans les combats du 25 juin 1917 en accomplissant sous un tir de barrage d’une violence inouïe toutes les missions qui lui étaient confiées.

En récompense de ses succès, Hurtebise, Vauclerc, Caverne du Dragon le régiment se verra remettre des mains du Président de la République, la fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire sur le drapeau du 15-2, au cours de la revue du 14 juillet 1916 à Paris.

Dix jours après, la plupart des participants à cette cérémonie dormiront de leur dernier sommeil sur ce même plateau de Vauclerc qu’ils avaient conquis 2 mois auparavant : tant d’efforts et de sang versé n’avaient servi à rien.

Le 15-2 avait perdu sur Le Chemin des Dames au cours des attaques du 22 mai, 25 juin et 24 juillet plus de 40 officiers et près de 1000 hommes.

Par contre près de 400 prisonniers étaient restés entre ses mains et ils avaient capturé de nombreuses armes, munitions et matériel divers de la Grotte du Dragon. Les poilus du 15-2 avaient le droit d’être fiers.

Jusqu'au 15 août 1917, repos à Orbay l’Abbaye (département de la Marne), où le régiment est reçu par le Général Pétain.

Après un passage de quelques jours aux abords de la ville de Reims, moitié en ruine, ce n’est pas sans une certaine appréhension que Paul et son régiment rejoignent Verdun, depuis 2 ans la bataille se poursuivait, âpre et terrible, il va y rester 6 semaines sans relève, y subir et repousser de nombreuses et violentes attaques, souffrir du froid et du manque de sommeil. Verdun a couté de grosses pertes au 152ème Régiment d’Infanterie, en tués, blessés, victimes des gaz toxiques et de nombreux évacués pour pieds gelés.

Janvier 1918 : Paul se retrouve en Lorraine dans le secteur de Lunéville, 4 mois à préparer les défenses dans l’attente de la grande offensive allemande, les avis étant partagés sur les lieux d’attaques, la prudence conseillait de redoubler de vigilance sur tout le front.

Soumis régulièrement à de violents bombardements dont certains aux gaz du type ypérite, les hommes, tout en préparant la zone de défense, maintiennent les positions.

En février 1918 arrivée d’une division américaine.

Avril 1918, un ennemi inattendu, la grippe espagnole ! Cette épidémie qui fera près de 20 000 morts dans les armées immobilisa la division plusieurs semaines, les hommes tombaient les uns après les autres, et chaque jour il fallait en évacuer un grand nombre.

Le 7 juin 1918 Paul est proposé pour la médaille militaire

Ce mois de juin sera une suite continuelle de changement de positions

Paul écrit : le 17 juillet 1918, devait être un jour de relève, le contre ordre tombe pas de relève, on doit attaquer.

Le lendemain 18 juillet à 4h35, en avant !!!, Malgré un barrage d’obus fumigènes très violent, on occupe St Gengoult, puis Hautevesnes, on a fait 5 km et l’avance continue malgré le feu intense des mitrailleuses, c’est une attaque générale nous a-t-on dit avant de partir. Je suis blessé par ricochet au genou gauche.

Evacuation sur Paris, Hôpital Villemin Paris 10ème où je suis opéré, puis convalescence à Pau le 24 juillet, Hôpital des Franciscains, hôpital auxiliaire 137.

De retour aux armées après l’armistice, le 14 novembre 1918, je suis envoyé en sursis agricole le 30 avril 1919, démobilisé définitivement le 12 septembre 1919.

Du 22 août 1914 au 12 septembre 1919, 52 mois de présence à la 10ème Cie du 152 R.I, près de 100 jours de combats, d’attaques, de batailles et coups de main dont plusieurs comme volontaire, 14 jours au vieil Armand , 23 jours dans la Somme, 33 jours au Chemin des Dames, 14 jours à Verdun, 5 jours de rudes combats à la retraite de l’Aisne, plus la bataille du 18 juillet 1918 entre Soissons et Château Thierry, 8 mois d’hôpital et 38 mois de tranchées, au cours de ces 38 mois de tranchées j’ai fait 96 relèves...

Voilà en résumé le parcours de Paul Babel, un poilu parmi tant d’autres, qui a eu la chance de revenir, intact physiquement malgré ses 2 blessures, mais on ne sort pas intact psychologiquement d’une épreuve comme celle qu’a vécu Paul.

Les rares poilus du 15-2 qui ont survécu ne veulent pas croire aujourd’hui qu’ils ont connu toutes ces misères, et surtout qu’ils les ont supportées sans se plaindre.

En reconnaissance de ses faits d’arme le soldat Paul Babel sera récompensé de plusieurs distinctions :

La Croix de Chevalier de la Légion d’honneur reçue en 1954

La Médaille Militaire

La Croix de Guerre avec une palme et 7 citations

La Croix de Guerre Belge

La Médaille Militaire Anglaise

Le jour de ses obsèques en juin 1957, 40 ans après la fin de la guerre, le colonel Thomas, à l’époque capitaine et M. Valentin, à l’époque S/LIT , officiers de son régiment, se sont déplacés pour rendre un dernier hommage au soldat de 2ème classe Paul Babel.

Sur la dernière page de son carnet de route Paul a écrit quelques lignes du poète Pierre Reyniel:

A voir le danger on le brave, il n’y a pas d’héroïsme plus obscur ni plus grand. Les morts ne sont pas ceux qu’on pleure avec des regrets incessants et dont le souvenir demeure… ceux là ne sont que des absents. Ceux qui partent l’âme remplie d’amour par la douleur accrue, ne sont point les morts qu’on oublie…mais seulement les disparus.

Étaient présents, la famille de Gaston Babel, et de nombreux membres de la famille, proches ou plus lointains. Les photos anciennes ont été prêtées par Suzanne Remy.

Paul Babel a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur le 21 août 1954 à son domicile, distinction remise par Lucien Valentin instituteur à Vagney, en présence de ses deux enfants, Petit Paul et Gaston, , le Docteur Nurdin, Léo Durupt pour les photos, Charles Remy un cousin, René Schrapffer son beau frère, Robert Fresse élu municipal ?

Merci à tous ceux qui nous ont permis de partager ces moments assez douloureux vécus par nos vaillants soldats.