Le Séduisant

Pas de chance ce mercredi, pour la sortie à la brune nuit emmenée par Luce et Lucas, la pluie tombée en grande quantité depuis le matin n'a cessé d'arroser une nature qui mon Dieu, a trouvé cela très bénéfique. Huit personnes ont cependant bravé le mauvais temps et sont allées vers Méreille, ont passé près de la Maison de la famille des Sidoine Lambert, et sont remontées par le chemin des côtes, un chemin bien entretenu qui permet aux paysans de communiquer aisément entre les deux vallées. Arrivées à Clairegoutte, elles s'en sont allées vers le Rondé, Corfaing, St Vallier, et retour au centre, bien contentes mais bien trempées aussi !

A l'arrivée, René Lambert, un parent de Jean François Xavier Lambert, né le 4 août 1769 au Girmont, ce volontaire de l'an II, en a retracé son histoire, les circonstances de son engagement, du drame vécu dans la Pointe du Raz près de l'ile de Sein, les naufragés, et les rescapés. Jean Lambert fut de ceux-ci et eut la chance, si je puis m’exprimer ainsi, de mourir auprès de sa famille le 4 août 1830.



Voici l'histoire retracée par René Lambert :




Jean François Xavier LAMBERT de Méreille, né au Girmont Val-d’Ajol, le 4 août 1769 et décédé le 4 août 1830, il fut un des premiers volontaires de 1791. Incorporé dans le 2éme bataillon des Vosges, il participa en qualité de soldat de la République à l’armée du Rhin, pendant l’hiver 1792-93, à la campagne de Mayence avec le général CUSTINE.

A l’automne 1793, à l’armée du Nord, il fut des combats de Hondschoote, de Ménin et de Wattignies avec le général Jourdan. De 1794 à 1796, il fut versé aux armées de l’Ouest, en Vendée d’abord, puis contre les Chouans à Vitré, Laval, Alençon …

Le 2éme bataillon des Vosges, en septembre 1796 était à Quimper où il fut amalgamé avec d’autres unités pour constituer la 94ème demi-brigade d’infanterie de Ligne. C’est à ce titre qu’il fut désigné pour participer à l’expédition d’Irlande.

Dans le corps expéditionnaire se trouvait le général HUMBERT, un vosgien à la tête de le Légion des Francs. Le général HOCHE avec l’Amiral MORARD de Galle étaient à la tête d’une d’escadre de 40 bâtiments portant un corps de 14 000 hommes qui appareilla de Brest le 15 décembre 1796. La mission définie par le Directoire, et en particulier par Lacaze Carnot, était d’aider les Irlandais à s’affranchir de la domination anglaise. La compagnie de Jean François-Xavier fut embarquée sur le Séduisant, un vaisseau vieux de 20 ans et composé de 74 canons, commandée par le capitaine Duffossey.

Le 16 décembre en après-midi, l’escadre qui avait mouillé en baie de Camaret pour attendre quelques retardataires, reçut l’ordre de s’engager dans le Raz du Sein pour ne pas affronter la flotte anglaise commandée par l’Amiral Colpoy qui croisait dans l’Iroise. Tous les marins craignent ce passage semé de récifs redoutables et animé de courants sournois qui rendent la navigation périlleuse. Vers 7 heures du soir, à la tombée de la nuit, le Séduisant fut drossé (entrainé) contre les brisants du Grand Tévenec.

On imagine les scènes de panique qui s’emparèrent des marins autant que des soldats : dans la nuit, à la lueur sourde des fanaux (lune), les malheureux qui tombent à la mer et meurent tétanisés par l’eau glacée ; ceux qui se précipitent dans les chaloupes, lesquelles chavirent sous le nombre ; ceux qui ont réussi à gagner les roches qui affleurent et s’y accrochent avec désespoir, se blessant aux aspérités du granit. Tout ces spectacles que l’on peut imaginer : quand la survie de l’un dépend de la mort de l’autre …Et au milieu de ce cauchemar, les salves de canon d’alarme et les fusées que l’on tire.

Enchâssé dans les rochers, le vaisseau ne coula pas sur le champ : il fut, petit à petit disloqué par les vagues et le ressac (retour des vagues sur elles mêmes après un obstacle). Le gardien du signal du Raz ainsi que les habitants de l’Ile de Sein avaient aperçu les signaux de détresse. Ceux-ci dépêchèrent tout de suite les premières chaloupes et le sauvetage commença.

Sur les 1300 hommes qui composaient l’équipage et les troupes passagères, 4 à 500 périrent dans le naufrage. 45 rescapés parvinrent à rejoindre le 17 de grand matin, le signal du Raz. Il est probable que quelques uns furent recueillis par des navires de l’escadre. Mais la plus grande partie environ 700 marins et soldats, furent transportés sur l’Ile de Sein sur des chaloupes des pêcheurs de l’ile. La mer était mauvaise et l’on ne pouvait pas, dans l’immédiat rejoindre le continent. Après quelques heures, la population de Sein fut multipliée par 3, et en peu de jours, les maigres réserves d’hiver furent épuisées.

Ainsi tous ces hommes durent la vie aux Senans (habitants de l’ile de Sein) qui, une fois de plus, donnèrent des preuves de leur courage et leur solidarité.

Jean François-Xavier LAMBERT qui a résidé à Méreille fut l’un des rescapés.

Ses ancêtres : Jean François-Xavier est un descendant de Nicolas LAMBERT et de Clémence FLEUROT (de la famille des Rebouteux) nés tous les deux en 1658 ont édifié la croix de Mereille en 1724.